Séminaire Les Afriques au pluriel 2023-2024

Organisation

Salim Abdelmadjid
Stéphanie Lima
Mathilde Rogez
Pierre Soubias

Présentation

(texte de Stéphanie Lima)

Contextes

Un réseau pluridisciplinaire de chercheur·e·s et doctorant·e·s en études africaines porte le «Séminaire Les Afriques au pluriel» (SAP’s) depuis la rentrée 2023, après le succès des 7ème REAF et 6ème JCEA en juin 2022 à Toulouse. Ce réseau, labellisé Structure Collaborative de Recherche (SCR) depuis janvier 2021, rassemble des chercheur·e·s et doctorant·e·s de l‘UT2J, de l’UPS et de l’IEP de Toulouse. Il a pour objectif de développer de nouveaux dialogues interdisciplinaires et de proposer un lieu d’échanges sur les objets, les terrains et les méthodes dans le champ des études africaines.
Avec ce titre usant abusivement du pluriel, ce séminaire cherche tout d’abord à dessiner les contours d’un territoire incertain, d’un continent dont la diversité est évidente mais encore trop souvent réduite à des poncifs essentialistes dans certains discours. Si la pluralité affichée se rattache surtout à la diversité des disciplines mobilisées dans le séminaire (de l’archéologie à l’histoire, de l’anthropologie à la science politique, des sciences économiques et la socio-économie et à la sociologie, de la géographie aux sciences de l’environnement, de la littérature à la philosophie et aux arts), elle se présente aussi comme un prisme heuristique.

Horizons

Nos objets de recherche en et/ou sur l’Afrique sont-ils empreints de cette diversité? Si oui, comment? Quel est notre rapport avec le champ des études africaines? Est-il commun à chacun·e au-delà de nos attaches disciplinaires? Au fil des séances, le séminaire invite ainsi les intervenant·e·s à présenter leurs travaux et leur positionnement dans le champ des études africaines afin d’entrer dans une réflexion collective à partir du partage de nos pratiques et expériences.
Dans cette dynamique de confrontation sensible des horizons empiriques et de croisement des références théoriques sur le concept d’Afrique, d’une part, les Afriques et leurs diasporas, d’autre part, le séminaire SAP’s cherche aussi à créer des passerelles avec les acteurs de la société civile et du monde associatif culturel et artistique toulousain. Leurs projets et leurs imaginaires proposent d’autres énoncés sur les sociétés africaines contemporaines, dans et hors du continent, dont nous pouvons nous nourrir.
Le séminaire SAP’s invite donc à ouvrir un espace aux limites des champs disciplinaires, à décloisonner les approches et à explorer de nouvelles interfaces, avec l’envie commune de parler des Afriques au monde et de parler du monde à partir des Afriques. Sa contribution originale au champ des études africaines se décline à partir de trois perspectives transversales (récits, ressources, relations), afin de privilégier une lecture hybride prompte à se saisir d’un questionnement en mouvement sur les Afriques au pluriel.

Récits

Les récits sur les Afriques offrent aujourd’hui une polyphonie foisonnante, signe d’une rupture bienvenue, traversant tous les domaines du savoir. Alors que l’Europe est devenue un centre du Monde parmi d’autres, que ses cadres de pensées et ses concepts sont relativisés, à la fois par des regards décentrés et par des grilles de lecture ouvertes à la pluralité des temporalités et des situations (Chakrabarty, 2020), les récits sur les Afriques puisent dans des épistémologies venues d’horizons de plus en variés sur les plans académiques et géographiques (Mbembe, 2013). Ces perspectives très stimulantes nous invitent à questionner nos objets, notre rapport au terrain et à pousser notre réflexivité. Puisant son originalité dans le croisement des disciplines, le séminaire SAP’s entend la notion de «récit» dans de multiples acceptions. Analyse de récits littéraires, critique de récits scientifiques, relecture d’expériences et de pratiques de recherche sont mises en avant dans sa programmation.

Ressources

Le terme «ressources» convoque plusieurs registres s’agissant des Afriques, depuis celui de l’extraversion historique (Bayart, 1999), en passant par celui de l’utopie (Sarr, 2016), jusqu’à celui plus récent du futurisme (Mangeon, 2022). Dans la mesure où la mondialisation contemporaine s’ancre dans chaque lieu et où elle projette chaque individu dans une trajectoire incertaine, cette thématique mérite d’être explorée selon une grille de lecture pluridisciplinaire, ouverte à toutes les échelles, bien loin d’une approche positiviste centrée sur leur matérialité. Ainsi, les «ressources», constructions complexes entre nature et société, pratiques et imaginaires, traces et mémoires, offrent une entrée privilégiée dans ce séminaire, à travers nos objets et nos terrains, pour discuter à la fois les tensions qui traversent nos champs de recherche (par exemple sur la question de l’extractivisme scientifique) et pour interroger les manières de faire «ressources» des sociétés et des diasporas africaines contemporaines.

Relations

Des lieux au Monde, un nouvel âge relationnel se dessine, dans lequel les Afriques tiennent une place centrale (Mudimbe, 1988 ; Miano, 2020). La thématique des «relations» nous offre tout d’abord, dans le cadre de ce séminaire, de multiples pistes pour relier autrement nos approches et nos terrains de recherche. Relier et relire nos questionnements, sonder d’autres méthodologies (recherche-action, recherche-création) et initier de nouvelles pistes de recherche pluridisciplinaires. La thématique des «relations», très proche de celle des mobilités et des circulations, propose aussi une grille de lecture multiscalaire, convoquant une multitude d’acteurs et d’institutions, composant des paysages hybrides, révélant des Afriques tout autant écopoétiques (Garnier, 2022) que fantomatiques (Ferguson, 2006). Le séminaire nous permettra ainsi de reconsidérer les relations et les contextes (Olivier de Sardan, 2021) au cœur de nos pratiques de recherche (co-production de connaissances, partenariats et passerelles avec la société civile).

Références

Bayart Jean-François, 1999, «L’Afrique dans le monde: une histoire d’extraversion.» Critique Internationale, 5, pp.97-120
Chakrabarty Dipesh, 2020, Provincialiser l’Europe. La pensée postcoloniale et la différence historique, Editions Amsterdam, 403 p.
Ferguson James, 2006, Global Shadows. Africa in the Neoliberal World Order, Duke University Press, 272p.
Garnier Xavier, 2022, Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux, Karthala, 264 p.
Mangeon Anthony, 2022, L'Afrique au futur. Le renversement des mondes, Hermann, 286 p.
Mbembe Achille, 2013, Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée, La Découverte, 252 p.
Miano Léonora, 2020, Afropea. Utopie post-occidentale et post-raciste, Grasset, 224 p.
Mudimbe Valentin-Yves, 2021, L'invention de l'Afrique, Gnose, philosophie et ordre de la connaissance, Présence Africaine, 514 p.
Olivier de Sardan Jean-Pierre, 2021, La revanche des contextes. Des mésaventures de l’ingénierie sociale en Afrique et au-delà, Karthala, 404 p.
Sarr Felwine, 2016, Afrotopia, Philippe Rey, 160 p.

Programme 2023-2024